Exposition du 26 Nov. au 06 Déc. 2015 - Mains d'Œuvres



ramuntcho_mattaDans la nature, il faut avoir des yeux derrière la tête et aussi un troisième œil. L’art peut t’il nous aider à cela ? Cela peut être, peut-être ceci et aussi d’autres choses. Cette exposition parle de “ça“, de ce “ça “ que l’on a du mal à définir avec des mots. De ce “ça“ qui permet d’ouvrir d’autres portes, d’autres opportunités d’expérimenter et par là même peut-être de s’approprier la nature.

Pour cette exposition, l’artiste produit une hypothèse de ce que peut être la nature, chacun s’y appropriant une thématique. Comme je l’ai dit dans une chanson: sa thématique, ta thématique, ma thématique. Chaque artiste possède son mode opératoire, son algèbre LIZIERES qui a pour vocation de donner en partage des hypothèses. L’art, par la visibilité des singularités, aspire à une transmission par la complémentarité. Le complémentaire devient alors un modèle applicable dans des domaines aussi variables que les médecines, les pédagogies, les musiques…

La nature est ce qui nous entoure, c’est ce qui contribue à ce que l’on peut être. La nature, c’est notre culture, celle que nous construisons chaque jour et qui contribue à notre édification. La culture n’est pas ce qui ce passe dans le champ culturel. L’appropriation du mot « culture » par les médias au détriment d’“arts et lettres “ (comme c’était le cas avant les années soixante) n’a pas aidé à la compréhension des genres. Aujourd’hui, sur internet, le mot culture a été remplacé par “divertissement“, ce qui en dit long sur la stratégie de confusion qui maintenant induit que “le divertissement“ est ce qui est léger, peu porteur de sens, et surtout qui ne porte pas à conséquence. Henri Lefebvre dénonçait déjà en 1967 la stratégie de manipulation du pouvoir néo-libéral.

La culture, c’est ce qui nous cultive, comme un agriculteur conscient prend soin de la terre qui nous nourrit. Il y a des cultures alimentaires, des cultures émotionnelles, relationnelles, sensorielles, sensuelles…. La nature nous invite à la curiosité, au plaisir de découvrir et de comprendre. De ressentir aussi. Cette exposition est là pour nous proposer d’enrichir nos palettes perceptives avec les propositions des artistes.

Faire l’effort de ressentir ce que nous propose la sensibilité d’un artiste nous permet de nous enrichir de sa sensibilité. Chaque chenille peut devenir papillon et ainsi survoler les problèmes qui lui semblaient insurmontables.

La LIZIERES est une zone fertile de tous les possibles.

Il suffit de regarder les interstices entre deux pierres…

… le monde appartient à celui qui sait se l’approprier.

L ‘artiste à sa façon nous fait des propositions.

Tout près de LIZIERES, le site de la Hottée du Diable appelle à la rêverie et témoigne d’un temps où la mer recouvrait les terres picardes… Monsieur Moo s’inspire de ce fait et se transforme en charpentier de marine à l’occasion de cette exposition : le squelette de la coque de son bateau réalisé à partir d’éléments de la charpente du bâtiment semble repousser les limites de l’espace dans lequel il se déploie.

L’arpentage de Donald Abad met en jeu les espaces et la notion nietzschéenne du Surhomme. Comme Zangs, il se déplace sans vraiment laisser de trace, et il incite à expérimenter, à danser les espaces qui nous entourent. Il pose les jalons d’une passerelle entre le dedans et le dehors. L’appropriation du territoire mental procède de la même façon: il est bon de jouer entre les territoires afin de ne pas être tétanisé par le temps qui passe.

Pauline Thomas s’approprie les lieux afin d’en proposer des transpositions poétiques. Ici est ailleurs aussi. Avec une économie de moyens saisissante, elle met à disposition des échelles spatio-temporelles. Nos limites ne sont pas celles du monde physique. Le devoir des territoires singuliers permet l’évolution. Si les frontières sont les cicatrices de l’histoire, les continents et les pays ont la même tâche: mettre en place des relations, une unité, face au défis sociaux et écologiques. Il ne peut y avoir de salut sans la prise en compte des pollutions industrielles, sociales et relationnelles. Le chemin du “faire“ ne saurait être fermé par les nécessités économiques.

Akatre propose la mise en matière de la marge. Tout comme une police induit une relation au monde, où commence et se termine celui-ci? Mais surtout il ne s’agit pas d’un seul et unique monde mais d’une multiplicité de matières aussi diverses que le sont les individus. L’être humain s’habille de l’intérieur. Etre plein, être vide. Etre plein de vide. On se construit aussi par nos marges.

Djeff présente ici une prise de conscience. Dans le monde à l’envers qui nous entoure, notre destinée ne tient qu’à un fil. Précieux car fragile et sensible, il rappelle l’importance de la parole donnée. Non seulement il est important d’écrire nos décisions mais il est essentiel d’appliquer nos dires dans notre vie quotidienne. Comme nous le rappelle Hans Jonas; le principe de responsabilité devrait être la plateforme de notre vie en commun. Non seulement dans nos rapports sociaux ou professionnel, mais surtout dans notre vie affective car les interconnections sont indissociables. Il est bon d’avoir une vie « effective ».

LIZIERES est très fier d’accueillir une palette aussi riche pour cette première exposition collective. Un remerciement tout particulier à Céline Bodin qui, par cette proposition exigeante, nous incite à réfléchir à ce que l’on voit.

Ramuntcho Matta, Directeur de LIZIERES
Epaux-Bézu, le 12 octobre 2013

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